Dans une série d’articles au format court, atometrics et la Fédération des Centres de Gestion Agrées (FCGA) proposent d’analyser l’état financier des petites entreprises françaises à la veille de la crise du COVID-19 au sein des cinq secteurs d’activité « traditionnels » suivants :

  1. Commerce non-alimentaire
  2. Commerce et l’artisanat alimentaire
  3. Cafés, Hôtels et Restaurants
  4. Artisanat-Service
  5. Artisanat BTP et Fabrication

Sept indicateurs clés ont été sélectionnés et analysés sur la période 2015 à 2019. Ces indicateurs permettent d’observer (1) la performance opérationnelle des entreprises (rentabilité et croissance), (2) leur structure de financement (capitaux propres et niveau d’endettement financier), (3) leur niveau de réserves financières (trésorerie) ainsi que (4) leur niveau d’investissement.

Ce premier article décrit les principales tendances pour l’ensemble de ces secteurs.[1]/[2]

Constat général : A la veille de la crise actuelle, prises dans leur ensemble, les TPE évoluant dans les secteurs « traditionnels » (commerce, artisanat et CHR) semblaient pouvoir bénéficier des efforts constants consentis depuis 2015 pour améliorer leur solvabilité et leur autonomie financière.

Les observations détaillées pour chaque indicateur sont détaillées ci-dessous :

  1. Performance opérationnelle
  2. Structure de financement
  3. Niveau des réserves financières
  4. Investissements 

 

1. Performance opérationnelle

La performance opérationnelle est appréhendée au travers de deux indicateurs :

  • La croissance du chiffre d’affaires (CA) hors taxes (HT): un indicateur qui reflète l’expansion des TPE dans les secteurs analysés, notamment en comparaison avec la croissance du PIB[3]
  • L’excédent brut d’exploitation (EBE) exprimé en pourcentage du CA HT: cet indicateur de profitabilité permet d’apprécier la propension d’une entreprise à générer des flux de trésorerie à travers son activité quotidienne

Observations :

  • La croissance des TPE a constamment été positive ces dernières années et a même toujours été supérieure à la croissance du PIB depuis 2015. En d’autres termes, la contribution relative des TPE analysées à l’économie française a augmenté entre 2016 et 2019
  • Prise dans son ensemble, avec un taux de 7,7% en 2019, la profitabilité en % du CA HT est en légère baisse par rapport au niveau de 2016. Ceci est notamment le fait des secteurs du CHR et de l’Artisanat-Service. La profitabilité dans les autres secteurs a peu évolué, voire augmenté dans certains.

Constat :

  • Tous les secteurs analysés ont été profitables (générateurs de trésorerie) entre 2015 et 2019. Au surplus, ils ont montré une croissance globale supérieure au rythme de l’économie française sur cette période.

 

2. Structure de financement

Deux indicateurs sont utilisés pour mesurer l’évolution de la structure de financement des TPE entre 2015 et 2019 :

  • Capitaux propres sur Total Bilan : également appelé ratio d’autonomie financière, ce ratio permet de mesurer la solvabilité d’une entreprise en déterminant quelle part de l’actif est financée par les capitaux propres de la société (capital social, réserves, report à nouveau)
  • Dettes financières sur Total Bilan : l’endettement financier est constitué de l’ensemble des encours auprès d’établissements financiers (notamment les banques)

Observations :

  • La solvabilité (indiquée par les capitaux propres en % des actifs) s’est fortement améliorée depuis 2015. En effet, prise globalement, plus de 40% des actifs des TPE dans le panel analysé étaient financés par des capitaux propres en 2019 contre 33% en 2015.
  • A l’inverse, le poids des dettes financières[4] est en baisse quasi constante depuis 2015 et représente 10,5% des actifs en 2019 contre 12,8% en 2015.

Constats :

  • Il semble que les profits des dernières années aient été – au moins en partie – utilisés par les TPE pour rembourser leurs dettes et/ou renforcer leurs capitaux propres.
  • De ce fait, le niveau d’autonomie financière des TPE était quasiment au plus haut en 2019 sur la période analysée, ce qui semble suggérer une plus grande marge de manœuvre pour recouvrir à un financement par la dette financière afin de faire face à la crise actuelle.

 

3. Niveau des réserves financières

En période de crise, le niveau des réserves financières est probablement l’indicateur le plus important car il représente le « matelas » dont bénéficient ces entreprises face au manque à gagner engendré par la baisse des rentrées d’argent non compensée par une diminution équivalente des sorties d’argent. Ce niveau est mesuré en observant :

  • La trésorerie disponible exprimée en jours de CA HT:  la trésorerie correspond aux réserves immédiatement disponibles dans les caisses et les comptes en banque des entreprises. L’expression de ce montant en jours de CA permet d’appréhender la durée pendant laquelle une entreprise pourrait théoriquement compenser une perte totale de son chiffre d’affaire sans recours à un financement extérieur (et sans baisse de ses charges).

Observations :

  • Tous secteurs confondus, le niveau des disponibilités représentait une moyenne de 43 jours de CA HT (ou 11,9% du CA HT) en 2019, soit le niveau le plus élevé sur la période analysée. Concrètement, le niveau moyen des réserves des TPE leur permettrait de survivre 15 jours de plus qu’en 2015.

Constats :

  • Les réserves de trésorerie affichées par les TPE analysées se sont constamment améliorées depuis 2015. En 2019, elles leur permettaient en moyenne d’encaisser une perte complète de chiffre d’affaires non compensée par une baisse de charge pendant un mois et demi sans source de financement extérieure. Toutefois, il est important de souligner qu’il existe une dispersion importante entre les différentes TPE composant le panel étudié. En effet, 25% d’entre elles affichaient des réserves inférieures ou égales à 15 jours et, à l’autre bout du spectre, 25% affichaient des réserves supérieures ou égales à environ 3 mois.
  • Cette évolution est globalement observée dans tous les secteurs analysés mais dans des proportions différentes.

 

4. Niveau d’investissements

Deux indicateurs ont été utilisés pour mesurer l’évolution du niveau d’investissement au cours de la période analysée :

  • Investissements nets en % du CA HT : mesure les investissements à travers l’augmentation des immobilisations corporelles (notamment les outils de production) après déduction des amortissements ; ex. un ratio négatif signifie que les investissements bruts ont été inférieurs aux amortissements (à la perte de valeur des immobilisations existantes) sur l’année
  • Investissements bruts en % du CA HT: mesure les investissements comme l’augmentation annuelle des immobilisations corporelles avant déduction des amortissements. En effet, la prise en compte des amortissements comptables peut résulter dans une valeur différente (plus faible en général) de la valeur économique résiduelle des actifs.

Observations :

  • Les investissements nets ont constamment été négatifs depuis 2015. En d’autres termes, les nouveaux investissements n’ont pas compensé la perte de valeur comptable des outils de production. Leur niveau est resté stable au cours des trois dernières années après avoir connu une légère hausse entre 2015 et 2017,
  • La tendance est globalement similaire pour les investissements bruts qui montrent toutefois une légère décroissance depuis 2017.

Constats :

  • L’évolution des investissements indique que la croissance et les bénéfices générés par les TPE sur la période n’ont pas été utilisés pour renouveler les outils de production. Les efforts consentis pour renforcer les réserves de trésorerie et réduire les dettes ont donc en partie été réalisés au détriment des investissements, ce qui pourrait se traduire par un de besoin de trésorerie accru dans les années à venir.

 

Conclusions 

  • C’est un fait, les TPE des secteurs « traditionnels » sont et seront encore très fortement touchées par l’impact économique de la crise sanitaire du Covid-19.
  • Toutefois, à la veille de cette crise sans précédent, ce maillon fondamental de notre économique pouvait bénéficier des efforts consentis depuis 2015 pour améliorer leur solvabilité et leur autonomie financière, et notamment :
    • Des réserves au plus haut depuis 2015 (avec une moyenne de 43 jours de chiffre d’affaires HT)
    • Une certaine marge de manœuvre en matière d’accès au financement externe grâce à l’amélioration constante de leur solvabilité et la réduction du poids de la dette financière dans leurs sources de financement

 

Retrouvez bientôt la suite de notre série d’articles avec une analyse des premiers impacts de la crise actuelle sur les différents secteurs. Si vous souhaitez rester informer souscrivez à notre newsletter.

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[1] Précision importante : les données utilisées et présentées dans ces articles proviennent de sources publiques, notamment de comptes annuels. Il est important de noter que, du fait de la date de publication et des circonstances particulières liées à la crise sanitaire actuelle, le nombre de comptes publiés et analysés pour l’exercice 2019 (5 000) est plus faible que pour les exercices précédents. Bien que la taille réduite du panel pour cet exercice pourrait avoir un impact sur les analyses et les résultats présentés ci-après. Il permet tout de même de réaliser une première analyse et d’observer les principales tendances.

[2] INPI pour les données financières ; paternité : Greffes des tribunaux des commerces, mise à jour : Avril 2020 ; https://www.inpi.fr/fr/licence-registre-national-du-commerce-et-des-societes-rncs

[3] Banque mondiale & INSEE, 2020

[4] ainsi que les dettes fournisseurs